La première raison pour laquelle les couples me consultent se résume clairement avec ce constat :
« On ne sait pas communiquer ».
Une fois une telle assertion posée, tout est dit.
Et, du coup, on vient chez la psy pour apprendre à communiquer ? Pour trouver des ficelles, des outils ou des astuces ?
Pourtant, ces mêmes couples se disputent, s’incriminent, se reprochent tant et tant…
Ils communiquent, non ?
La communication : un petit concept pour un grand fourre-tout
On a vu que pour déconstruire des croyances, il ne fallait pas hésiter à réfléchir à la définition même que l’on accole au mot/thème ou au concept qui nous occupe.
Wikipédia définit la communication comme « l’ensemble des interactions avec autrui qui transmettent une quelconque information ».
Avant d’en développer les paramètres, intéressons-nous à une sorte de « base » de la communication.
Communiquer serait donc pour une personne (locuteur/trice) de transmettre un message (une information) à une autre personne (l’interlocuteur/trice).
Qu’importe de quoi il s’agit ici dans le message.
Si je suis la logique du couple qui m’affirme qu’ils ne savent pas communiquer, je peux en conclure que si l’un demande à l’autre de prendre du pain en sortant du travail, il ou elle rapportera de la brioche.
Un peu comme si le message ne pouvait arriver jusqu’à son destinataire à chaque fois qu’il a une tentative d’interaction.
Est-ce vraiment le cas ?
Bien sûr que non.
Sinon ils ou elles n’auraient pas même pu venir jusqu’à moi.
La véritable demande, le fond du problème n’est pas dans une sorte d’incapacité à communiquer.
Bien au contraire.
Je constate que de nombreux messages sont envoyés de part et d’autre.
Le couple s’est construit sur un ensemble d’informations puis de faits qui ont favorisé un attachement pour devenir des sentiments amoureux.
On peut dire que la communication, dans sa base même, était/est présente.
Par contre, ce que chacun.e en attend… là est une autre affaire…
Quand communication rime avec compréhension
Le véritable problème qui se cache derrière « cette absence de communication » réside en fait dans le manque de compréhension (apparente).
Nombreux sont les couples qui cherchent à signifier un message et, à la réaction de l’autre, en déduise qu’il ou elle « ne comprend pas ».
En effet, le retour ne correspond pas à ce qui était attendu, qui nous paraissait pourtant « logique » ou « normal ».
On en conclut que soit on n’a pas su faire passer l’information correctement, soit l’autre ne la reçoit pas (volontairement ou pas). Pire, il ou elle en fait un retour négatif.
Prenons un exemple (très fréquent).
Katia rentre à la maison et David n’a pas préparé le repas.
Il est tard. Les enfants sont agités et David reste assis dans le canapé avec son téléphone.
Le message que perçoit ici Katia est sans appel : David l’attend.
Katia est en colère.
Le ton cinglant, elle lâche « ça va, tranquille ? ».
David tressaute, perçoit dans la voix de sa compagne toute la tension et rétorque « quoi ? J’ai récupéré les enfants ».
En général, s’ensuit à partir de là des épisodes de justifications et de reproches à grands renforts de « toujours » et « jamais ». Chacun.e campe sur sa position, son sentiment d’avoir raison (en tous les cas, pas tort) etc.
De ce moment plutôt épuisant (qui se déroule le soir, au moment où on aurait tant besoin de se poser au lieu de se tendre), on n’en déduit qu’une chose « décidément, on ne se comprend pas » qui deviendra progressivement un problème de communication.
Communication – Compréhension – Influence
Oui, le souci majeur réside, en apparence, dans la communication mais, non, le couple n’est pas en incapacité de communiquer.
Et si David ne « comprend » pas tout de suite ce que Katia lui reproche, il a bien compris qu’un problème allait se poser, qu’il était mis en accusation. Il traite l’information qu’il possède (être « tranquille » sur le canapé quand elle rentre) qu’il associe à d’autres informations et expériences passées (cette scène a sa récurrence).
Il va alors contre-attaquer en brandissant sa part sans vraiment savoir si on lui reproche de rester assis ou autre.
Et, Katia, recevant l’argument des enfants va le traduire comme une action largement suffisante pour David (son quota est fait). Cela va s’entrechoquer avec sa fatigue, le fait que cette charge mentale lui incombe encore, peut-être même un sentiment d’injustice quant au fait qu’elle ne l’a pas (« jamais »), elle, ce temps dans le canapé…
Ici mon couple a communiqué.
Mais, en décortiquant les attitudes et les mots, la situation s’envenime.
Au sein d’un fait, en émergent d’autres.
Katia et David auront le sentiment, dans l’après, qu’ils se disputaient mais l’un et l’autre n’auront pas la même version des faits, moins encore le même ressenti.
Et, en séance, cette scène deviendra un moment où chacun.e essaiera de convaincre l’autre du bien fondé de ses réactions.
Dans un second temps donc, ils voudront prouver, justifier et attendront une seule réponse équivalente à un « ah d’accord, je (te) comprends mieux, désolé.e, je me suis trompé.e, Tout ceci est un malentendu et tu as raison ».
Sauf que la réalité est toute autre…
David et Katia vont vouloir que l’autre s’accorde avec leurs arguments. Et cela va même engranger d’autres frustrations puisqu’aucun ne le fera.
Communiquer ne signifie ni débattre ni convaincre ni, surtout, vouloir influencer l’autre.
Communiquer mieux, oui, ça s’apprend… mais il faut lâcher…
Les librairies fourmillent d’ouvrages sur la communication non violente. Il existe des stages aussi.
L’injonction peut parfois créer plus de souffrances. C’est au prix de quoi ?
Avant de se pencher sur ces outils, prenez le temps de reprendre votre propre conception de la communication :
– Quelle définition pour moi ?
– Qu’est-ce que j’en attends sincèrement ? (je me vois au centre, professeur/guide de l’autre ?)
– Qu’est-ce que je suis prêt.e à laisser de mon côté ? (quand l’autre me renvoie du négatif par exemple).
L’habitude majoritaire du couple c’est de se justifier.
Si Katia est un peu acerbe, David se défend.
Et c’est complètement logique.
Il est presque impossible d’affronter psychologiquement l’image négative portée par la personne qu’on aime.
La blessure crée immédiatement un trou à combler en urgence. Une attaque en retour rend le « combat » plus facile.
La tierce personne, la psychologue ici, en mettant en lumière et en faisant une sorte d’arrêt sur image de la situation, va favoriser un nouveau fonctionnement.
On va se mettre « à la place » de l’autre.
Et même si « on ne comprend pas », on peut apprendre à recevoir une information personnelle plutôt que sa traduction par l’attaque.
Katia va apprendre à dire, en rentrant qu’elle est fatiguée, qu’elle souhaite que David fasse le repas ou qu’ils arrivent à un équilibre ensemble.
David va apprendre à recevoir sans se sentir pris à défaut puis à exprimer à son tour son agacement si besoin.
C’est avec la thérapie de couple et ses outils que le couple va pouvoir mettre en pratique des outils adaptés à leur situation (je fais du sur-mesure selon la problématique de chacun.e).
Ils ou elles ne vont pas apprendre à communiquer mais à mieux se dire et se dévoiler.
C’est un travail qui mérite de laisser ce que l’on est exister et s’exprimer.
C’est riche pour soi d’abord puis pour le couple.
Et la thérapie devient le porte-parole affectif de ce moi qui a souvent peur de se montrer pour enrichir le lien du couple.
On va alors communiquer… mais différemment…