Et, genre, en comprenant d’où viennent mes difficultés, je pourrais agir !
Le besoin de comprendre, de posséder la réponse au « pourquoi, » reste central dans la recherche personnelle des patient.e.s.
J’entends régulièrement, au cours des séances, « je me demande pourquoi je suis/j’agis comme ça ».
Cette interrogation poursuit parfois les personnes au-delà des temps thérapeutiques.
C’est comme si le fait de comprendre leur permettait de garder le contrôle sur leurs réactions.
Ainsi, en suivant ce raisonnement, il me suffirait d’expliquer par le menu et en détails toutes les raisons de ma chute dans les bois au médecin urgentiste qui m’examine pour que ma jambe se soigne ?
(Visualisons ensemble la scène : vous êtes allongé.e sur la table d’examen. Le médecin entre et vous questionne. Vous lui expliquez à quelle allure vous marchiez, la façon avec laquelle vous avez tenté de vous raccrocher, la chute sur les branches etc. Il ou elle vous écoute avec attention. Votre description est parfaitement claire, limpide même. Et, il ou elle sort !
Vous, vous restez là, sur cette table. Après tout, il ou elle a bien compris toute la problématique. Pas besoin de faire mieux…
Vous êtes d’accord que cela ne peut pas fonctionner ? Sans le plâtre, il sera difficile de reconsolider correctement les os entre eux !
Donc, expliquer, comprendre ne garantit absolument pas la guérison. Moins encore d’agir positivement pour soi… Nous pouvons donc fermer la parenthèse).
1- « Comprendre pourquoi « :
Aussi, « comprendre pourquoi » on est ou on n’est pas ceci ou cela revient non seulement à interroger son histoire mais aussi son évolution au sein même de cette même histoire et sa culture d’appartenance.
De ces 3 facteurs essentiels à notre construction personnelle, naissent ainsi des croyances et des biais cognitifs qui modélisent notre pensée, nos affects, nos actes et nos décisions.
Nous sommes donc la somme d’une multitude de paramètres qu’il est impossible de dénombrer exactement.
Nous sommes le résultat de milliards d’interactions conscientes et non-conscientes, réfléchies ou non, assimilées le plus souvent bien malgré nous.
Vouloir se comprendre nécessite donc de prendre le temps à la fois d’interroger toute notre histoire dans son ensemble avec les facteurs qui la composent sans en omettre aucun.
Se contenter de comprendre que son père n’a pas été assez tendre et nous aurait alors empêché de nous investir à 100 % dans une carrière de comédien est un résumé aussi insignifiant que mon médecin en salle d’urgence qui se contenterait de connaître les circonstances de ma chute dans les bois pour bien guérir ma blessure à la jambe.
Comprendre véritablement son histoire et ses impacts dans mes choix obligent d’une part à saisir dans quelle partie de l’Histoire je m’inscris.
Ensuite, je pourrais percevoir l’influence sociale des choses sur les adultes qui m’entourent et les valeurs qui ont porté leurs propres choix me concernant.
Après, je serai en mesure d’appréhender combien les différences des uns ont pu impacter les autres pour arriver jusqu’à moi.
C’est seulement à ce moment que je pourrais interroger mon propre parcours d’appropriation de cet ensemble en prenant en compte notamment mes capacités intellectuelles, ma sensibilité, ma croissance même…
Pour « se comprendre », il me faut ainsi prendre conscience de cet ensemble, de l’étudier presque comme un.e sociologue pour saisir toutes les nuances de la construction de mes croyances autour de mon propre évolution.
Ces dernières seront, sans conteste, le vecteur essentiel de mon développement psychologique et affectif.
La première de ces croyances justement est de croire qu’en mettant le doigt sur le « pourquoi j’agis ainsi », je pourrais alors transformer cet acte…
Pourtant, comme son nom l’indique, la croyance n’est rien d’autre qu’un processus mental nous faisant adhérer à une thèse ou une hypothèse au point de les considérer comme des vérités (devenues alors des certitudes… sans preuves).
N’oublions pas à quel point nous avons pu croire au Père Noël quitte à transformer toutes les lumières du ciel en traces de traîneau…
2- Comprendre pourquoi je suis comme ça, m’aidera dans ma thérapie ?
Certaines situations exigent que nous puissions faire des liens avec notre histoire ou des évènements précis.
Par exemple, certaines de nos angoisses ou des réactions que nous avons peuvent effectivement s’inscrire dans une explication.
Une personne ayant vécu un traumatisme et qui développe ensuite des troubles aura tout intérêt à travailler sur cette cause pour s’en détacher (c’est d’ailleurs tout le travail de l’EMDR via la désensibilisation et le retraitement).
Mais lorsque pour d’autres, le besoin de savoir pourquoi devient tellement envahissant au point que seule cette problématique semble définir ce que je suis, on tombe alors dans un fonctionnement qui devient toxique pour soi.
Je pense à une patiente qui progressait dans une meilleure connaissance d’elle-même mais qui refusait de perdre le contrôle sur tout (nous y reviendrons dans une autre croyance).
A peine nous mettions enfin le doigt sur la libération que ce serait de lâcher davantage prise, qu’elle se blâmait de ne pas réussir et répétait « mais pourquoi je suis comme ça ? ».
Cette question était plus un cri désespéré que l’expression d’une forme quelconque de curiosité…
En revenant sur ce « pourquoi? » non seulement, elle se maintenait dans une image négative d’elle-même, mais en prime, elle s’interdisait un accès à un quelconque « comment? »…
Cette interrogation n’a donc plus ici le moindre intérêt thérapeutique. Pire, elle renforce une image de soi négative.
3- Passer du « Pourquoi » au « Comment »
Puisque nous avons besoin de nous sentir « avancer » (là aussi, on en tient une belle de croyances… On y retournera bientôt), déplaçons donc une question vers une autre.
Mais tout en gardant à l’esprit que nos questions ne doivent plus rester en suspens: trouvons leur des réponses !
A nous de prendre le temps d’y répondre.
J’ai régulièrement des angoisses ?
Comment m’en débarrasser ?
Je pense que je ne vaux rien ?
Comment apprendre à m’aimer mieux ?
Je suis dans le contrôle ?
Comment m’autoriser à plus de légèreté ?
Le « comment » me libère aussi des injonctions de plus en plus marquées par nos sociétés (même dans le cas du développement personnel, c’est dire !).
Ce déplacement du pourquoi au comment ne peut se faire qu’en acceptant que j’en suis là à l’instant où je débute un travail sur moi.
Avec la psychologue, je vais accéder progressivement à l’intégralité de mes ressources, mes forces et mes capacités.
Je vais apprendre la bienveillance envers moi-même, passer du jugement à l’acceptation et peu à peu, trouver ma ou mes voies.
Rien ne m’oblige à être dans le contrôle de tout. Même de ce que je suis et comment je me suis construit.e.
Cette prise de hauteur vis à vis de moi est tout à fait faisable dans l’espace thérapeutique.
Et en faisant confiance à mes propres fonctionnements.
Parce qu’après tout, mon meilleur ami, c’est moi !