Croyance numéro 2 : « je n’ai pas confiance en moi »
Cette croyance est, sans conteste, la plus fréquente entendue au cabinet comme dans de multiples conversations.
Une grande partie des premiers RDV tourne d’ailleurs autour de cette croyance.
Et, c’est tout aussi vrai que beaucoup imaginent que cela explique les raisons de leurs difficultés (on revient à la première croyance, celle de mieux comprendre grâce au fameux pourquoi…).
De fait, cette « absence de confiance en soi » devient à elle seule l’explication aux incapacités à affronter des situations (dire « non » à son patron, s’inscrire à une activité particulière, prendre la parole en public etc.).
Mais elle est aussi une conséquence.
Ainsi, puisque je n’ai pas réussi à affronter une situation par ce manque de confiance en moi, je la subis ce qui va renforcer davantage ce sentiment de ne pas avoir confiance en soi (sans parler de ma légitimité…).
La boucle est bouclée…
Cette croyance est d’autant plus aisée que les réseaux sociaux fourmillent de milliers de bons et joyeux conseils sur le sujet. J’ai dénombré plusieurs centaines de vidéos sur le sujet de cette fameuse confiance en soi. Tous ces « conseils », « fondamentaux » et autres conférences sur le sujet rappellent à quel point cette confiance est un élément qui reste central. Je passe sur les liens constitutionnels qu’il y aurait entre confiance en soi et amour de soi…
C’est terrifiant ! (Enfin moi, je trouve…).
Mais finalement, que signifie vraiment « avoir confiance en soi » ? Existe-t-il un modèle de la confiance en soi ? Et finalement, on en fait quoi de cette injonction à la confiance ?
« Avoir confiance en soi », ça veut dire quoi ?
Commençons déjà par la notion même de confiance, « faire confiance ».
« Au sens strict du terme, la confiance renvoie à l’idée qu’on peut se fier à quelqu’un ou à quelque chose. Le verbe confier (du latin confidere : cum, « avec » et fidere « fier ») signifie, en effet, qu’on remet quelque chose de précieux à quelqu’un, en se fiant à lui et en s’abandonnant ainsi à sa bienveillance et à sa bonne foi. L’étymologie du mot montre par ailleurs les liens étroits qui existent entre la confiance, la foi, la fidélité, la confidence, le crédit et la croyance ».
Cette première appréciation de la confiance avait un rapport religieux proche de la foi.
Le monde ne pouvant tout comprendre ou expliquer, a pu se rassurer en mettant sa propre vie entre les mains / volontés de quelque chose de plus grand que soi et l’humanité.
Peu à peu, la science et la réflexion s’appropriant une grande partie du sens de ce même monde, cette même confiance s’est tournée vers la vérité, la véracité.
Je vais faire confiance à la médecine, à un traitement, à un.e expert.e etc. qui représentent une valeur sur laquelle je vais pouvoir me reposer pour me garantir sécurité et soins.
Cette confiance peut ensuite se déplacer vers des personnes qui représentent un ordre, une parole juste et sage (la justice, un pouvoir élu…).
Dans le développement même de l’enfant humain, la part de la confiance sera une autre forme de garantie de sa survie. Ses parents d’abord qui lui assurent une sécurité primaire mais aussi affective. Les adultes au sens large ensuite qui viendront composer ses rencontres et ses apprentissages avec les enseignants, nourrices, moniteurs et autres.
A toutes et tous, les enfants remettent totalement la décision de ce qui est bon pour eux.
C’est tout un système qui est donc conçu ainsi.
Les plus vulnérables vont confier leurs vies aux plus solides.
Ces derniers assurent leurs survie, évolution, éducation tout en leur offrant des espaces de sécurité.
Ils et elles n’ont pas le choix ceci dit. Et, malgré tout, cette confiance totale n’assure pas toujours leur sécurité hélas…
La confiance, en résumé, est bien de déposer une part de mes besoins ou de secours à autrui, à une entité que j’en sais digne du fait de ses connaissances ou sa place dans mon groupe sociale pour me permettre d’évoluer positivement.
Cela se joue donc bien entre un moi et un.e autre (même s’il s’agit d’une figure religieuse ou même du hasard).
Les enfants font naturellement confiance aux adultes.
La confiance est donc une affaire qui se joue dans la relation.
Mais, une fois qu’on a posé cela, que vient donc faire le concept même de « confiance en soi » ?
« La confiance en soi » : une construction sociale aberrante !
Si nos aïeux ont pris le temps de chercher et construire des mots en lien avec des actions spécifiques pour mieux se comprendre, c’est qu’il y avait une bonne raison.
Que les langues et les expressions évoluent est une évidence. On est bien content.e.s que le français se soit un peu simplifié depuis le vieux françois !
Pour autant, certaines de nos pratiques langagières se voient se transformer aussi via des évolutions sociales.
C’est parfaitement le cas ici, pour la confiance en soi.
Il s’agirait, si l’on s’en tient à la définition plus haut, de déposer à moi-même ce que je suis et ce que je fais…
Bref, une relation entre moi et… moi !!
Mouais…
On est bien d’accord, vue de cette façon, l’idée est un peu saugrenue.
En fait, elle vient simplement des exigences sociales d’être un individu productif au sein même d’une société compétitive.
Il a fallu inventer un concept où l’humain se devait, pour répondre à des besoins de consommation et de résultats, de ressembler à un modèle précis.
Il y a eu le fordisme, le stakhanovisme pour motiver une génération de travailleurs puis, avec la venue de la motivation, de l’image et du prestige social est arrivé le modèle du professionnel parfait : sûr de lui, productif, plein de ressources, qui s’engage, qui sait faire et qui assure parce qu’il a confiance en lui !!!
N’oublions jamais que l’être humain s’inscrit dans une construction biologique, psychologique et sociale.
Chacun de ces paramètres jouent dans son développement et même si leurs études ont tendance à être séparées, leurs places et impacts sont liés ensemble.
Un modèle social valorisé va impacter ma perception des choses et influencer mes choix.
Lesquels vont se consolider et favoriser des croyances elles-mêmes valorisées qui vont me motiver à agir d’une façon plutôt qu’une autre.
Si, en plus, ce même modèle est omniprésent depuis la petite enfance, je vais le considérer comme inévitable voire obligatoire.
Je vais donc, peu à peu, construire une image du bon modèle à suivre.
Ici ce sera celui d’une homme ou d’une femme, tellement confiant.e que tout lui réussira.
Ils et elles deviendront des exemples à suivre.
Et, si je n’arrive pas à les atteindre, je me responsabiliserai (pour ne pas dire que je me culpabiliserai).
Après tout, d’autres y arrivent. Moi, non.
Je ne peux donc plus vraiment croire en moi, investir ce que je suis en m’acceptant et me respectant.
Mon image de moi-même se détériore.
C’est d’autant plus facile que notre système tout entier est basé sur la comparaison et l’évaluation.
Et, je finis par me convaincre que je n’ai pas confiance en moi. Pas suffisamment pour arriver à devenir un je-ne-sais-quoi que je n’ai pas véritablement choisi mais qui me sert de modèle depuis l’enfance malgré moi…
Il suffit, en prime, que je pense que mes parents n’ont pas stimulé cette même confiance en me valorisant (ce qui est tout à fait possible d’ailleurs).
Mais, même là encore, le modèle social, sait nous faire miroiter d’autres personnes pleines de ressources mais qui ont cruellement manqué de soutien familial voire sont issues de familles toxiques ou maltraitantes. Donc, d’autres y arrivent mais pas moi !
Je ne peux donc plus responsabiliser un.e autre que moi.
Je deviens la ou le seul.e à blâmer.
Et, donc, je n’ai pas suffisamment confiance en moi.
Alors, cette « confiance en moi », j’en fais quoi ?
J’aurais tendance à vous répondre par un simple « jetez moi ça ».
Mais bon, on l’aura compris, il ne suffit pas dire pour y arriver.
Une croyance se construit et se renforce dans le temps. Il faut donc accepter un autre temps pour la déconstruire et un temps supplémentaire pour y mettre une réflexion active et personnelle à la place.
Pour commencer, reprenons le temps de définir clairement ce que signifie « la confiance en soi » pour soi-même.
N’hésitez pas vous poser, l’écrire, y réfléchir.
Interrogez vos modèles, ce que vos parents, enseignants, proches et vous-même avaient mis dans cette définition.
Il n’est pas nécessaire de chercher des responsables. Soyez juste. Considérez ce qui a pu se jouer dans votre histoire.
Cette partie est difficile seul.e. C’est ici que la ou le psychologue a une véritable place.
Avec l’effet miroir, vous gagnerez en hauteurs.
On pose tout ceci avec clarté et neutralité.
Ensuite, vous allez convenir que ces modèles n’ayant jamais été interrogés vous empêchent de simplement vous réaliser.
Ce second point peut être douloureux. Le travail thérapeutique sur vos ressources est un allié de taille dans ce parcours.
Et enfin, autorisez-vous non plus à « avoir » mais vous « faire » confiance.
Après tout, chaque matin, alors même que vous commencez votre journée, vous ne doutez ni de vos capacités à manger, marcher, conduire, vous habiller etc.
Dès la petite enfance, le nourrisson tâtonne, expérimente, découvre et se trompe pour mieux recommencer (dîtes vous qu’il en faut de la volonté pour tant essayer de marcher quand on y réfléchit… Et, jamais nous n’avons lâché au prétexte de manquer de confiance en nous-mêmes).
Faîtes confiance simplement à votre capacité à répondre, affronter, vous adapter.
Les modèles, les superman et woman sont des leurres qui, pendant qu’on les regarde avec envies, nous empêchent de simplement découvrir ce que nous sommes.
La psychologie positive est une pratique riche qui favorisera notamment une meilleure reconstruction avec soi.
Alors quitte à faire confiance, faîtes-le en déposant dans un espace bienveillant pour mieux appréhender ce que vous pensez, dans la sécurité.